Les loups de mercy falls - tome 2 - fièvre by Maggie Stiefvater

Auteur:Maggie Stiefvater [Stiefvater, Maggie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: - Divers
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

chapitre 24

Grace

Je me suis enfoncée dans les bois.

Les arbres sommeillaient, comme morts, sans feuilles, mais la chaleur de l’air réveillait toute une confusion de senteurs printanières humides jusqu’alors masquées par le froid. Les oiseaux échangeaient des gazouillis et quittaient soudain les buissons alentour pour des ramures plus hautes, laissant vibrer les branches dans leur sillage.

J’étais chez moi. Je le sentais dans mes os.

Je n’avais parcouru que quelques mètres quand j’ai entendu le sous-bois craquer derrière moi. Mon cœur a battu plus vite. Je me suis arrêtée, et le bruit de mes pieds sur la végétation du sol s’est tu. Les craquements ont repris, ni plus proches ni plus lointains. Je ne me suis pas retournée, mais je savais que c’était un loup. Je ne ressentais aucune crainte – juste de la fraternité.

Je percevais de temps à autre un froissement dans les feuillages, lorsque l’animal avançait de quelques pas pour me suivre. Il ne se rapprochait pas mais se contentait de m’observer à une distance prudente. J’aurais voulu voir qui c’était, mais j’étais trop ravie de sa présence pour risquer de l’effaroucher et de le faire fuir. Nous avons donc continué ainsi : moi progressant d’un pas régulier, lui me rattrapant par bonds successifs.

Le soleil qui perçait à travers les branches nues au-dessus de moi me chauffait les épaules. J’ai levé les bras et je les ai étirés en marchant, pour absorber un maximum de lumière, et essayer de gommer les dernières traces de la fièvre de la veille. J’avais l’impression que, plus je prenais mes distances avec ma colère, plus je sentais que quelque chose en moi clochait.

J’ai repensé, tout en marchant, à ce jour où Sam m’avait emmenée dans la clairière de la forêt d’or, et j’ai regretté que mon ami ne soit pas là pour écouter les battements désordonnés de mon cœur. Nous n’étions pourtant pas toujours fourrés ensemble, et j’étais parfaitement capable de m’occuper sans lui – il travaillait à la librairie, tandis que j’avais le lycée et mes cours – mais, à l’instant, je me sentais mal à l’aise. Je n’avais plus de fièvre, c’est vrai, mais pas non plus l’impression qu’elle m’avait quittée pour de bon : je la sentais bourdonner inlassablement dans mon sang, comme guettant le prochain appel des loups pour ressurgir.

J’ai continué à avancer. L’odeur du lac s’intensifiait, les jeunes pousses avaient disparu entre les arbres devenus plus grands et plus clairsemés. J’ai trouvé une empreinte de patte de loup dans l’humus meuble de la forêt. Les feuillages vert sombre des pins interceptaient les rayons du soleil, et j’ai serré mes bras croisés contre moi pour me réchauffer.

J’ai surpris un mouvement sur ma gauche et j’ai entraperçu un éclair de fourrure brun-gris se fondre dans les troncs des pins alentour. C’est alors que le loup qui m’accompagnait s’est enfin arrêté assez longtemps pour que je puisse l’examiner, et il n’a pas bronché lorsque j’ai scruté ses yeux vert vif, si humains, et ses oreilles curieusement inclinées. J’ai aperçu derrière lui le lac scintiller entre les branches.

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